Faire progresser la recherche sur l’inflammation et les maladies auto-immunes

Le système immunitaire agit comme la force de police du corps, patrouillant avec vigilance pour détruire les pathogènes invasifs et les toxines. Quand le corps est en bonne santé, le système immunitaire réalise l’équilibre entre éliminer les menaces intérieures – les cellules abimées ou malades et les détritus cellulaires – ou extérieures – pathogènes, irritants chimiques, aérosols inhalables – et stimuler la croissance et la maintenance des tissus sains.

Un système immunitaire distrait fragilise le corps face aux problèmes intérieurs comme le cancer, ou aux menaces extérieures comme les infections virales, fongiques, bactériennes et parasitaires. À l’inverse, un système immunitaire qui surréagit aux menaces intérieures, incapable de reconnaître que les cellules du corps lui appartiennent, développe des affections auto-immunes, et une surréaction aux menaces extérieures évolue en allergies, eczéma et asthme.

Le signe classique d’une maladie ou d’une affection auto-immune est l’inflammation, une entative normalement protectrice du corps qui cherche à supprimer le matériel nuisible et à initier le processus de réparation des tissus. Un enchaînement d’évènements biochimiques transmet la réponse inflammatoire ce qui conduit à un changement progressif de la composition du type de cellules au niveau de l’inflammation – à court terme. Dans le cas d’affections auto-immunes cependant, ce processus est détourné, maintenant le corps en état de lutte chronique.

Les scientifiques de l’Institut Weizmann des Sciences sont à la pointe des recherches sur l’inflammation, les affections auto-immunes et les maladies infectieuses. Des molécules et des gènes jusqu’à la biologie des systèmes, cette étude inclut les processus dans lesquels les cellules immunitaires assument différents rôles et responsabilités : l’activation et la suppression des cellules immunitaires, le fonctionnement de molécules spécialisées dans l’inflammation, l’impact de l’inflammation sur le cancer et la mort cellulaire mais également la cicatrisation et le vieillissement cellulaire.

 

Calmer l’inflammation et assurer la santé immunitaire

L’un des résultats de recherche les plus stimulants obtenu par l’Institut Weizmann des Sciences concerne l’immunothérapie : c’est une approche qui cherche à activer les mécanismes protecteurs naturels du corps humain pour combattre les affections auto-immunes, la neurodégénérescence, les maladies infectieuses et le cancer. Des découvertes fondamentales sont traduites en méthodes améliorées de diagnostic , en vaccins mieux ciblés, en traitement efficaces et même en guérisons.

Les scientifiques du département d’immunologie cités ci-dessous font partie de ceux qui travaillent à l’avant-garde des recherches sur l’inflammation et les maladies auto-immunes.

 

Surmonter l’intolérance dans le corps

Professeur Jakub ‘Kobi’ Abramson
Les maladies auto-immunes comme le diabète de type 1, les scléroses multiples ou les lupus affectent environ 5 à 7% de la population mondiale. Le dénominateur commun de la plupart de ces maladies est que le système immunitaire ne parvient pas à « apprendre » aux lymphocytes T à différencier les composants du corps humain et le pathogène (« soi-même et les autres »). Une population unique de cellules du thymus – appelées cellules épithéliales médullaires thymiques (mTECs) – joue un rôle essentiel en éliminant du corps les cellules T autoréactives pendant leur développement.

Dans une étude majeure publiée en 2016, le professeur Kobi Abramson a montré comment la mutation d’une seule copie d’un gène précis, principalement présent dans les mTECs, pourrait provoquer la destruction des protéines du corps par certaines cellules du système immunitaire comme si elles les considéraient comme de dangereux envahisseurs étrangers. Le gène en question code pour la transcription d’un régulateur baptisé AIRE (de l’anglais « AutoImmune REgulator » ou « régulateur d’auto-immunité »). Les travaux du laboratoire du professeur Abramson ont montré que – plutôt que d’être rares et marginales comme c’était généralement admis – les mutations d’AIRE pouvaient apparaître, sous une forme moins sévère, jusqu’ici inconnue, chez une personne sur mille. Le professeur Abramson a de plus montré que la structure de l’AIRE – quatre brins entrelacés de matériel génétique – jouait aussi un rôle dans les pathologies auto-immunes. En travaillant avec des collègues de Norvège, le professeur Abramson a révélé que la mutation du gène pour un unique brin de ce complexe pouvait entrainer une auto-immunité dévastatrice. Cela pourrait expliquer la haute fréquence de différentes affections auto-immunes dans la population en général.

Plus récemment, le professeur Abramson et ses collègues se sont concentrés sur un complexe multiprotéique appelé complexe NCoR1/SMRT. Ces scientifiques ont étudié le rôle supposé de ce complexe dans le maintien de la tolérance immunitaire dans les tissus corporels et les ganglions lymphatiques – en particulier comment ce complexe NCoR1/SMRT affectait le développement, l’entretien et le fonctionnement d’une catégorie de lymphocytes T appelés lymphocytes T régulateurs (Treg).

Le professeur Abramson cherche à découvrir la clef pour cibler le potentiel thérapeutique des cellules Treg. Il cherche à développer plusieurs approches expérimentales innovantes pour générer des cellules Treg spécifiques de certains antigènes qui soient capables de rétablir la tolérance immunologique, endommagée chez les patients atteints d’affections auto-immunes. Il se concentre sur les pathologies auto-immunes affectant des organes spécifiques pour lesquelles le corps produit une réponse immunitaires nuisible contre des antigènes spécifiques de certains tissus (comme les protéines spécifiques aux cellules pancréatiques dans le cas du diabète de type 1 ou la glande thyroïde dans le cas de l’hypothyroïdie). Le professeur Abramson espère identifier les approches les plus prometteuses qui pourront être traduites en thérapies efficaces pour un certain nombre d’affections auto-immunes.

 

Sclérose en plaques et modifications des protéines

Docteur Yifat Merbl
Les maladies auto-immunes comme la sclérose en plaques (SEP) trouvent souvent leur origine dans des quantités anormales de protéines cellulaires – en particulier, dans des altérations lors des modifications post-traductionnelles (MPTs) qui affectent l’activité, l’interaction, la dégradation et l’inflammation des protéines et des tissus.

Le docteur Yifat Merbl cherche à cartographier le paysage des protéines et des MPTs dans le cas de la SEP, à faire de nouvelles découvertes sur la façon dont la SEP se développe et à trouver de nouveau biomarqueurs pour la diagnostiquer et la traiter. Pour y parvenir, le docteur Merbl utilise un profilage MPT – un système qu’elle a conçu et déjà utilisé pour découvrir les signatures et les cibles des MPTs dans les cas de tumeurs malignes et de la maladie d’Alzheimer. En utilisant le profilage MPT, le docteur Merbl peut effectuer un suivi quantitatif, souple et efficace des modifications multiples de milliers de protéines en même temps, dans des conditions relativement proches de celles de l’environnement cellulaire complexe.

Elle utilise également une seconde méthode récemment développée dans son laboratoire, appelée analyse par spectrométrie de masse des peptides protéolytiques (MAPP), pour identifier les signatures (spécifiques à patient) de la dégradation des protéines dans les cellules et les tissus. La MAPP pourrait être particulièrement utile pour comprendre les maladies auto-immunes car l’inflammation et la mort des cellules sont largement contrôlées par la dégradation des protéines.

Par la suite, le docteur Merbl a l’intention de cartographier le paysage des MPTs de cellules immunitaires malades aux différents stades de la SEP afin de découvrir des biomarqueurs.

 

Un délicat équilibre sanguin

Professeur Idit Shachar
Le professeur Idit Sachar étudie les facteurs qui affectent les lymphocytes B matures – un sous-type de globules blancs qui circulent dans le sang et protègent le corps des maladies. Les lymphocytes sont impliqués dans de nombreux états pathologiques comme l’arthtrite rhumatoïde ou le cancer, et une immunité adaptative contre ces maladies ou d’autres dépend de la production et du maintien d’une réserve de lymphocytes B matures tout au long de notre vie.

De nombreux facteurs contrôlent l’équilibre délicat de la production de lymphocytes et les études du professeur Shachar se concentrent sur ces facteurs qui comprennent notamment la régulation de l’entretien des cellules immunitaires, les processus moléculaires qui contrôlent la survie des cellules immunitaires et le dialogue entre les cellules immunitaires et leur microenvironnement dans un corps malade comme dans un corps sain. Les domaines qu’elle cible particulièrement sont les cancers du sang comme la leucémie et le myélome multiple, et les maladies auto-immunes comme la SEP et le syndrome du côlon irritable.

L’une des études les plus récentes du professeur Shachar a mis en lumière l’importance des molécules de régulation de l’inflammation, appelées chimiokines, sans qui les lymphocytes T n’accompliraient pas leur rôle de manière correctement régulée, mais attaqueraient et détruiraient tout sur leur passage. En fait, l’équipe du professeur Shachar a découvert que, bien que les chimiokines aggravent généralement l’inflammation, utilisées à de très faibles doses, elles aident en réalité à moduler ou atténuer l’activité des lymphocytes T agressifs dans un modèle de SEP chez les souris. Des doses très faibles pourraient être la nouvelle arme de l’immunothérapie permettant de stopper la progression de la SEP.

 

Inflammation et vieillissement du système immunitaire

Professeur Nir Friedman
Le professeur Nir Friedman étudie la façon dont les cellules du système immunitaire communiquent entre elles afin de coordonner les réponses immunitaires. Il collabore avec de nombreux médecins pour caractériser le rôle destructeur et le rôle protecteur des lymphocytes T dans un contexte clinique, incluant le cancer et le diabète de type 1 – une maladie auto-immune provoquée par les lymphocytes T qui attaquent par erreur les cellules pancréatiques du corps qui produisent l’insuline.

Dans l’une de ses études les plus récentes, menée avec ses collègues de l’Université Ben-Gurion du Néguev, le professeur Friedman a étudié les changements du paysage cellulaire immunitaire quand nous vieillissons. En effet, nous savons qu’une baisse de la capacité du système immunitaire à combattre les infections est un des signes du processus de vieillissement. Inflammations chroniques et baisse de l’immunité deviennent de plus en plus courantes avec l’âge. Cependant, nous ne savons pas quel est le lien de ce déclin avec les types de lymphocytes T que nous possédons et comment cette composition change au fil du temps.

Le professeur Friedman a effectué une caractérisation complète des changements de la population des lymphocytes T CD4+ au cours du vieillissement. En utilisant le séquençage ARN de cellules individuelles et la cytométrie en flux – une méthode utilisant des faisceaux lasers pour détecter et analyser les propriétés de cellules individuelles – et d’autres techniques d’études, les chercheurs ont réussi à obtenir une sorte de fenêtre mobile sur la réorganisation graduelle des lymphocytes T CD4+ au cours du vieillissement.

Il existe un grand nombre de sous-types différents de lymphocytes T CD4+ dans le corps et chacun a un rôle particulier. Certains lymphocytes T s’occupent de l’attaque concertée à court-terme d’un pathogène (lymphocytes T « effecteurs ») tandis que d’autres gèrent une résistance à long-terme qui répondra aux futures infections (lymphocytes T « mémoires »). La clef d’une survie en bonne santé est de trouver le juste équilibre entre les différents types de lymphocytes T. Les scientifiques ont découvert qu’avec l’âge cet équilibre change à cause de la diminution de lymphocytes T dits « naïfs » (qui peuvent être transformés en n’importe quel autre type de lymphocyte T). Cependant, ils ont également observé l’apparition d’une nouvelle population de lymphocytes T, qui existent rarement quand nous sommes plus jeunes et qui comprend entre autres des lymphocytes T « toxiques » qui peuvent contribuer à des inflammations chroniques, et des lymphocytes T « épuisés » qui participent au processus de déclin de l’immunité. Pour la première fois, les scientifiques ont réussi une caractérisation complète de ce paysage complexe et dynamique qui change au cours du vieillissement.

 

Produire des anticorps qui combattent les tumeurs

Docteur Ziv Shulman
Les cancers des ovaires et du pancréas se classent parmi les cinq types de cancers les plus mortels. L’absence de stratégie de dépistage efficace, ainsi que leur mauvais pronostic, créent un besoin urgent de nouvelles méthodes de détection et de traitement.

Les approches immunothérapeutiques en oncologie soulignent le rôle central du système immunitaire dans le traitement du cancer. Les anticorps antitumoraux sont l’une des thérapies existantes des plus sures et des plus efficaces et, au cours des dix dernières années, de nombreux anticorps ont été approuvés pour une utilisation clinique. Cependant, ces anticorps sont actuellement limités à des types de cancers et d’antigènes rares. Aussi, la recherche de nouveaux anticorps antitumoraux est indispensable. Le développement d’anticorps thérapeutiques nécessite une compréhension en profondeur des interactions entre le système immunitaire et les cellules cancéreuses. Dans cette étude, le docteur Ziv Shulman et son équipe cherchent à identifier et caractériser les auto-anticorps qui sont produits durant l’apparition et la progression d’un cancer.

En collaboration avec des médecins du Centre Médical Rabin de l’Hôpital Beilinson de Petah Tikvah, le docteur Shulman a recruté des patientes atteints d’un cancer des ovaires (ainsi que deux patients atteints d’un cancer du pancréas) afin de mener une étude scientifique sur leurs tumeurs et sur les populations de cellules produisant leurs anticorps. Les chercheurs ont établi une banque de bio-spécimens contenant des échantillons de tumeurs, de métastases et de tissus marginaux sains.

Tout récemment, les chercheurs ont découvert que les cellules cancéreuses des patientes atteintes de carcinome ovarien étaient reconnues par des anticorps du type immunoglobulines G (IgG), le type d’anticorps le plus courant trouvé dans le sang. Ils ont également découvert de nombreux autres anti-autoanticorps dans les fluides présents dans la cavité abdominale des patients. Beaucoup de ces anticorps ciblent les enzymes qui remodèlent la matrice extracellulaire (ou MEC, véritable échafaudage qui maintient les tissus ensemble). En utilisant une approche innovante de découverte d’anticorps, le laboratoire du docteur Shulman a séquencé et cloné des anticorps venant de patientes atteintes de carcinome ovarien et a découvert un anticorps qui cible l’enzyme MT1-MMP, un régulateur clef de la migration des cellules dans les tissus. Les cellules cancéreuses prennent le contrôle de cette enzyme afin de remodeler la MEC, permettant au cancer de se métastaser et de se répandre. Le docteur Shulman étudie actuellement la fonction de la MT1-MMP afin de déterminer si elle peut être utilisée pour aider à détruire les cellules tumorales.

 

Contrer les maladies et inflammations pulmonaires

Professeur Ronen Alon
Chaque cellule du corps a besoin d’oxygène pour fonctionner correctement et les poumons sont responsables de la réalisation de cet objectif vital. Les poumons et les voies respiratoires représentent un compartiment immunologique unique, dynamique et en constante adaptation. Les poumons sont la première ligne de défense contre les bactéries mortelles, et les infections virales et a pollution inhalée. Cette défense implique souvent deux processus biologiques : le stress oxydant et l’inflammation.

Le professeur Ronen Alon étudie par quels mécanismes les globules blancs quittent les vaisseaux sanguins au niveau de sites spécifiques d’inflammation, de blessures ou de métastases de cancers dans les poumons. Plus précisément, le professeur Alon étudie le rôle des molécules d’adhésion cellulaire et des protéines de signalisation qui existent sur la surface des vaisseaux sanguins pulmonaires et qui aident à attirer les globules blancs au niveau des sites inflammés et des lésions cancéreuses des poumons.

Ses études récentes ont montré qu’en plus d’utiliser des processus inflammatoires pour protéger le corps, les poumons le protègent également en « apprenant » à différentes cellules immunitaires à se souvenir et à attaquer les agents pathogènes et les particules invasives. Ces découvertes ont des conséquences importantes sur la compréhension des affections auto-immunes pour lesquelles des cellules immunitaires normales se comportent de façon erronée et attaquent les tissus de notre propre corps.



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