Une étude révèle que les tumeurs humaines sont des lieux de prédilection pour les champignons

Les résultats montrent que des champignons vivent dans les tumeurs et pourraient faciliter la détection et le diagnostic du cancer, voire son traitement.

Les tumeurs cancéreuses contiennent de multiples espèces de champignons qui diffèrent suivant le type de tumeur, selon une vaste étude menée par des chercheurs de l’Institut Weizmann des Sciences et de l’Université de Californie à San Diego.
L’étude, publiée dans Cell, a potentiellement des implications pour le diagnostic et le traitement du cancer, ainsi que pour la détection du cancer par un test sanguin. Elle complète la compréhension qu’ont les scientifiques de l’interaction entre les cellules cancéreuses et les bactéries qui existent dans les tumeurs aux côtés des champignons. Il a été démontré que ces bactéries affectent la croissance du cancer, les métastases et la réponse au traitement.


De gauche à droite :  Dr. Deborah Nejman, Dr. Nancy Gavert, Dr. Ilana Livyatan, Dr. Lian Narunsky Haziza and Prof. Ravid Straussman

Les chercheurs ont systématiquement établi le profil des communautés fongiques dans plus de 17 000 échantillons de tissus et de sang prélevés chez des patients atteints de 35 types de cancer. Ils ont constaté que des champignons peuvent être détectés dans tous ces types de cancer. Les champignons se cachaient principalement à l’intérieur des cellules cancéreuses ou dans les cellules immunitaires au sein des tumeurs.

L’étude a également révélé des multicorrélations entre la présence  de champignons spécifiques dans les tumeurs et des conditions liées au traitement. Par exemple, les patientes atteintes d’un cancer du sein dont les tumeurs contenaient du Malassezia globosa – un champignon naturellement présent sur la peau – avaient un taux de survie beaucoup plus faible que celles qui ne présentaient pas ce champignon. En outre, on a constaté que des champignons spécifiques étaient plus répandus dans les tumeurs mammaires des patients plus âgés que dans celles des plus jeunes, dans les tumeurs pulmonaires des fumeurs que dans celles des non-fumeurs et dans les tumeurs de mélanome qui n’ont pas répondu à l’immunothérapie que dans celles qui ont répondu à la thérapie.


Champignons (en rose) à l’intérieur des cellules d’une tumeur ovarienne humaine (les noyaux des cellules sont en bleu). Crédit photo : Deborah Nejman et Nancy Gavert

Ces résultats suggèrent que l’activité fongique est « une caractéristique nouvelle et émergente du cancer », déclare le professeur Ravid Straussman du Département de Biologie Cellulaire Moléculaire de Weizmann, co-directeur de l’étude. « Ces résultats devraient nous inciter à mieux explorer les effets potentiels des champignons tumoraux et à réexaminer presque tout ce que nous savons du cancer à travers le prisme du microbiome », a-t-il ajouté.

L’étude, qui a caractérisé à la fois les champignons et les bactéries présents dans les tumeurs humaines, a démontré que l’on peut trouver des « noyaux » typiques de champignons et de bactéries dans les tumeurs. Par exemple, si les tumeurs qui contiennent des champignons Aspergillus ont tendance à contenir des bactéries spécifiques, d’autres tumeurs qui contiennent des champignons Malassezia ont tendance à contenir d’autres bactéries. Ces différents duos peuvent être importants pour le traitement, car ils sont corrélés à la fois à l’immunité des tumeurs et à la survie des patients.


Une « fouille archéologique » mettant au jour des champignons dans des tumeurs cancéreuses. Crédit photo : Ella Maru Studio

« Cette étude jette un nouvel éclairage sur l’environnement biologique complexe des tumeurs, et les recherches futures révéleront comment les champignons affectent la croissance cancéreuse », déclare le professeur Yitzhak Pilpel, coauteur de l’étude et chercheur principal au Département de Génétique Moléculaire de l’Institut Weizmann  des Sciences. « Le fait que les champignons puissent être trouvés non seulement dans les cellules cancéreuses mais aussi dans les cellules immunitaires implique qu’à l’avenir, nous découvrirons probablement que les champignons ont un certain effet non seulement sur les cellules cancéreuses mais aussi sur les cellules immunitaires et leur activité.


Exemple peu courant de champignons (en noir) qui sont présents dans les tissus du cancer du poumon humain (en turquoise) mais pas à l’intérieur des cellules. Crédit image : Lian Narunsky Haziza et Nancy Gavert

L’existence de champignons dans la plupart des cancers humains « est à la fois surprenante et prévisible », déclare Rob Knight, professeur de Pédiatrie, de Bio-ingénierie , et d’Informatique et Ingénierie à l’UC San Diego, qui a cosigné l’étude. « C’est surprenant parce que nous ne savons pas comment les champignons peuvent s’introduire dans les tumeurs de l’organisme. Mais elle est également attendue, car elle correspond au modèle de microbiomes sains dans tout le corps, notamment dans l’intestin, la bouche et la peau, où les bactéries et les champignons interagissent dans le cadre d’une communauté complexe. »

Le nouvel article explore également la présence d’ADN fongique et bactérien dans le sang humain. « Les résultats suggèrent que la mesure de l’ADN microbien dans le sang peut aider à la détection précoce du cancer, car différentes signatures d’ADN microbien peuvent être trouvées dans le sang de patients cancéreux et non cancéreux », explique le Dr Gregory Sepich-Poore, ancien étudiant diplômé du laboratoire du professeur  Knight.

L’année dernière, le professeur Knight et le docteur Sepich-Poore ont cofondé Micronoma, une société qui développe une plateforme utilisant des biomarqueurs microbiens dans le sang pour le diagnostic précoce du cancer.

Avec plus de 6 000 000 d’espèces différentes qui habitent pratiquement tous les coins de la Terre, les champignons ont une diversité qui dépasse même celle des plantes. Pourtant, sur ce total estimé, les scientifiques n’ont jusqu’à présent identifié qu’environ 148 000 espèces. Parmi celles-ci, seules quelques centaines d’espèces se sont avérées habiter les humains, et maintenant aussi les tumeurs humaines.

Les recherches du professeur Ravid Strassman sont soutenues par l’Institut de la Société Suisse pour la Recherche sur la Prévention du Cancer, le Fonds de Recherche des Familles Fabricant-Morse pour l’Humanité, le Fonds de recherche Dr Chantal d’Adesky Scheinberg et le Fonds de Dotation Dr Dvora et Haim Teitelbaum



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