Résoudre l’énigme : quand l’Arche de Wilson a-t-elle été construite ?

L’analyse d’une poignée de graines carbonisées retrouvées au niveau de l’Arche de Wilson, située sous le Mont du Temple à Jérusalem, révèle des informations sur les anciens bâtisseurs d’une structure iconique des Tunnels du Kotel.


Encore aujourd’hui, les visiteurs du Mur occidental à Jérusalem peuvent observer une partie de l’Arche de Wilson

Qui a construit l’Arche de Wilson ? Ce n’était pas Charles Wilson, cartographe et géomètre britannique à Jérusalem et ses alentours au 19ème siècle. L’arche, partiellement visible par tous les visiteurs du Mur occidental, est un élément important du paysage de Jérusalem depuis des siècles. D’aucuns pensaient que sa construction remontait à l’époque du roi romain Hérode – l’un des plus grands bâtisseurs de l’histoire – mais d’autres favorisaient une période plus récente, pensant qu’elle avait été érigée au début de l’islam, environ 600 ans plus tard.

Le professeur Elisabetta Boaretto et le docteur Johanna Regev de l’unité d’archéologie scientifique de l’Institut Weizmann des Sciences dirigent la datation chronologique sur des fouilles archéologiques récentes effectuées dans le Tunnel du Kotel afin de résoudre l’énigme de l’Arche de Wilson. Les fouilles ont été menées par le docteur Joe Uziel, archéologue, Tehillah Liebermann et le docteur Avi Solomon pour le compte de l’Autorité des Antiquités d’Israël, et entreprises par la Fondation pour le Patrimoine du Mur Occidental dans le cadre du développement touristique du site.

Les chercheurs de l’Institut Weizmann ont perfectionné des méthodes de « micro-archéologie » pour caractériser les couches de dépôts et déterminer précisément la connexion entre chaque échantillon daté et l’évènement archéologique à dater. « Pour ce projet, nous avons dû développer une stratégie très particulière, en commençant par les fouilles elles-mêmes, » explique le professeur Boaretto.

Les fouilles demandées par l’Autorité des antiquités d’Israël ont eu lieu dans les tunnels situés sous le mur

Le professeur Boaretto explique que mener des recherches archéologiques sur des structures urbaines comme l’Arche de Wilson, et en particulier déterminer son âge, est bien plus compliqué que dans tout autre cadre archéologique. Dans un centre urbain toujours occupé 2 000 ans après, les structures ont pu être utilisées pendant des siècles, des éléments ont pu être réutilisés, des parties de la structure ont pu être détruites puis reconstruites, et les pierres elles-mêmes conservent leurs secrets. La datation absolue de structures architecturales, en opposition à la datation relative basée sur les poteries ou les pièces, est particulièrement importante pour les corréler à des textes et des personnages historiques. Il n’est donc pas surprenant que l’histoire de l’Arche de Wilson soit restée énigmatique.

Le mortier ou le ciment utilisé entre les pierres de l’Arche de Wilson était l’un des matériaux clef recherché par l’équipe. Ce matériau était produit à haute température et des agrégats y étaient ajoutés pour obtenir les propriétés recherchées. On peut ainsi parfois retrouver dans l’enduit des graines carbonisées. Le premier défi était de déterminer si le matériau brûlé était effectivement un constituant de l’enduit originel, puis de savoir si cet enduit faisait partie de la construction originelle ou s’il était le fait de réparations ultérieures. Les graines trouvées sous les fondations de la structure peuvent aussi être datées et ces graines sont forcément plus anciennes que la construction. Chaque date obtenue était ainsi le résultat d’un petit projet de recherche. De retour au D-REAMS (Dangoor Research Accelerator Mass Sprectrometer – en français : spectromètre de masse par accélérateur Dangoor) de l’Institut Weizmann des Sciences, le professeur Boaretto et son équipe ont analysé l’enduit et les matériaux calcinés prélevés sur le site de fouille pour étudier leur composition et leur cristallinité afin de déterminer leur âge.

Les graines trouvées entre les gros blocs de l’arche ont été datées d’avant la destruction de Jérusalem en 70 après JC, période durant laquelle Jérusalem était gouvernée par les procurateurs romains dont le plus célèbre était Ponce Pilate.


Des traces de paille et autres composés organiques trouvés dans le ciment de l’arche de Wilson ont été datés au carbon 14. Echelle en mm 

D’après le docteur Uziel de l’Autorité des Antiquités d’Israël : « Cette datation claire des micro-restes a donné une solution sans équivoque à une énigme archéologique de longue date, celle de l’âge de l’Arche de Wilson. ». L’arche faisait partie d’un pont que les fidèles empruntaient pour se rendre au Mont du Temple et fait partie du Mur occidental construit il y a quelques 2 000 ans. Grâce à ce projet de recherche conjoint, nous avons pu déterminer que l’arche, qui supportait l’un des deux chemins principaux vers le Second Temple de Jérusalem, a été construite en deux étapes. Tout d’abord, pendant le règne d’Hérode Ier le Grand ou peu après, le pont faisait 7,5 mètres de large. Peu de temps après, au premier siècle de notre ère, la largeur du pont a été doublée pour atteindre 15 mètres. « La taille et la qualité de fabrication de l’arche attestent de l’importance du Mont du Temple à l’apogée du Second Temple de Jérusalem, quand des milliers de personnes participaient aux cérémonies, en particulier pendant les fêtes, » ajoute-t-il.

« Depuis une arche construite par Hérode jusqu’à un théâtre abandonné avant la fin de sa construction à cause de la révolte de Bar Kokhba, nous portons un regard nouveau sur l’histoire de la ville et ce bâtiment monumental se place dans son propre contexte historique. Et cela aide certainement à résoudre cette énigme, » dit-il.

Ce projet est le fruit d’une collaboration à l’initiative de Israel Science Fondation dont le but est de dater les divers ruines et vestiges de l’ancienne Jérusalem. Il regroupe des archéologues de terrain comme le professeur Yuval Gadot (Université de Tel Aviv), le docteur Joe Uziel et le docteur Doron Ben-Ami (Autorité des Antiquités d’Israël), le professeur Boaretto et le docteur Regev, qui ont appliqué une stratégie de datation absolue développée par l’Institut Weizmann des Sciences sur le terrain et dans le laboratoire du D-REAMS.

Le professeur Elisabetta Boaretto dirige le Centre Helen et Martin Kimmel pour les sciences archéologiques, ses recherches sont financées par le laboratoire D-REAMS, Dana et Yossie Hollander. Le professeur Boaretto est détentrice de la chaire professorale Dangoor en sciences archéologiques.



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