Test olfactif et récupération de la conscience

Des scientifiques de l’Institut Weizmann ont développé un test olfactif qui prédit la récupération de la conscience chez des patients atteints de lésions cérébrales.


Le Patient inconscient (allégorie de l’odorat), Rembrandt van Rijn. Ce tableau fait partie d’une série, Les Cinq sens, peinte par Rembrandt à Leiden autour de 1625, quand il avait 19 ans. Il a été découvert en 2015 dans une collection d’art appartenant à une famille du New Jersey

Si une personne inconsciente répond à une odeur par un très léger changement du rythme de son flux d’air nasal, il est probable qu’elle soit en train de reprendre conscience. C’est la conclusion d’une nouvelle étude conduite par des scientifiques de l’Institut Weizmann et leurs collègues de l’Hôpital de réadaptation Loewenstein, Israël. D’après cette découverte publiée dans la revue Nature, pendant les quatre ans de cette étude, 100% des patients inconscients atteints de lésions cérébrales qui ont répondu au test olfactif développé par les chercheurs ont repris conscience. Les scientifiques pensent que ce test simple et peu coûteux pourrait aider les médecins à effectuer un diagnostic précis et à déterminer un plan de traitement selon le degré de lésion cérébrale du patient. Les scientifiques concluent que cette découverte illustre encore une fois le rôle fondamental du sens de l’odorat dans l’organisation du cerveau humain. Le système olfactif est la plus ancienne partie du cerveau et son intégrité apporte une mesure précise de l’intégrité du cerveau tout entier.

Après de sévères lésions cérébrales, il est souvent difficile de déterminer si la personne est consciente ou inconsciente et les tests diagnostiques actuels se révèlent faux dans 40% des cas. « Un mauvais diagnostic peut être critique car il peut influencer la décision de débrancher le patient des machines qui le maintiennent en vie, » dit le docteur Anat Arzi qui a dirigé cette étude. « Concernant le traitement, si les médecins pensent que le patient est inconscient et ne sent rien, ils pourraient ne pas prescrire les calmants indispensable. » Le docteur Arzi a débuté ses recherches pendant son doctorat dans l’équipe du professeur Noam Sobel du département de neurobiologie de l’Institut Weizmann des Sciences et a poursuivi cette étude dans le cadre de son postdoctorat dans le département de psychologie de l’Université de Cambridge.

Le « test de conscience » développé par les chercheurs – en collaboration avec le docteur Yaron Sacher, directeur du département de récupération de lésions cérébrales traumatiques de l’Hôpital de Réadaptation Loewenstein – est basé sur le principe que notre flux d’air nasal change en réponse à une odeur : par exemple, une mauvaise odeur va entrainer des inspirations plus courtes et moins profondes. Chez les humains en bonne santé, la réponse à l’odeur peut se produire inconsciemment à l’état d’éveil comme pendant le sommeil.

L’étude comprenait 43 patients de l’Hôpital de réadaptation Loewenstein atteints de lésions cérébrales. Les chercheurs ont brièvement placé des pots contenant différentes odeurs sous le nez des patients comme une odeur agréable de shampoing, une odeur désagréable de poisson avarié ou aucune odeur. Les scientifiques ont alors mesuré précisément le volume d’air inhalé par le nez en réponse à ces odeurs. Chaque pot a été présenté dix fois aux patients dans un ordre aléatoire pendant la session de test et chaque patient a participé à plusieurs sessions. « Étonnamment, tous les patients classés dans un « état végétatif » qui ont réagi au test olfactif ont fini par reprendre conscience, même si celle-ci était minimale. Dans certains cas, les résultats du test olfactif ont été le premier signe que ces patients étaient sur le point de reprendre conscience – et cette réaction a été observée des jours, des semaines et parfois des mois avant tout autre signe, » dit le docteur Arzi. De plus, la réponse à l’odeur ne faisait pas que prédire quels patients allaient reprendre conscience : elle prédisait aussi avec une précision de 92% quels patients allaient survivre pendant au moins trois ans.

« Le fait que le test olfactif soit simple et potentiellement peu coûteux le rend intéressant, » explique le docteur Arzi. « Il peut être effectué au chevet des patients sans avoir besoin de les déplacer – et sans utiliser de machine complexe. »


Une partie de tennis mentale

Après une sévère blessure à la tête, des patients peuvent plonger dans un état comateux – leurs yeux sont fermés et ils ne présentent plus de cycle veille-sommeil. Un coma dure en général deux semaines après lesquelles il peut y avoir une rapide amélioration et un regain de conscience, ou une détérioration menant au décès ou encore mener à une condition appelée « état de conscience altéré ». Quand le patient ouvre spontanément les yeux mais qu’il n’y a aucune preuve qu’il est conscient de lui ou de ce qui l’entoure, il est considéré comme dans un « état végétatif ». D’autre part, si un patient présente des signes réguliers de conscience, même s’ils sont minimes et instables, le patient sera classé dans la catégorie « état minimal de conscience ». L’outil diagnostic de référence absolu pour déterminer le niveau de conscience d’un patient est la Coma Recovery Scale (Revised) qui examine les réponses à différents stimuli comme par exemple le mouvement des yeux alors qu’ils suivent un objet, le mouvement de la tête vers un son, ou encore la réponse à la douleur entre autres. Puisque le taux d’erreur de diagnostic peut atteindre 40%, il est recommandé de répéter ce test au moins cinq fois.

Cependant, un mauvais diagnostic peut aussi se produire quand le test est conduit de façon répétée. « Dans une étude bien connue, une patiente diagnostiquée comme étant dans un « état végétatif » suite à un accident de voiture a subi un scanner dans une machine à IRM. Pendant qu’elle était dans le scanner, les chercheurs lui ont demandé d’imaginer qu’elle jouait au tennis et ont observé que son activité cérébrale était similaire à celle d’une personne en bonne santé imaginant aussi jouer une partie de tennis. Ils ont soudain réalisé : « attendez une minute, elle est là. Elle nous entend et répond à nos requêtes. Elle n’a juste aucun moyen de communication, » » dit le docteur Arzi. « Il existe d’autres cas connus de patients diagnostiqués en état végétatif et qui, à leur réveil, étaient capables de raconter en détails ce qui s’est passé quand ils étaient sensés être dans cet état végétatif ! Diagnostiquer le niveau de conscience d’un patient qui a subi une grave blessure à la tête est un défi clinique majeur. Le test olfactif que nous avons développé pourrait fournir un outil simple pour s’attaquer à ce défi. »

Le professeur Noam Sobel dirige l’Institut national Azrieli pour la recherche et l’imagerie du cerveau humain. Ses recherches sont financées par le Centre Norman et Helen Asher pour l’imagerie du cerveau humain, le Laboratoire Nadia Jaglom pour la recherche en neurobiologie de l’olfaction, la Fondation Adelis et le fonds Rob et Cheryl McEwen pour la recherche sur le cerveau. Le professeur Sobel est détenteur de la chaire professorale Sara et Michael Sela en neurobiologie.



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