Les Nanocristaux donnent un Nouvel Éclat à l’IRM

L’« idée folle » d’utiliser des nanocristaux de fluorure en tant que traceurs de résonance magnétique pourrait mener à de nouvelles méthodes d’imagerie médicale.


Fluorite. Crédit: Rob Lavinsky, iRocks.com – CC-BY-SA-3.0

Le Docteur Amnon Bar-Shir dit que l’idée lui est venue d’une image dans un livre : la photo d’un cristal violet connu sous le nom de fluorite (fluorure de calcium). Le Docteur Bar-Shir est chercheur en Imagerie à Résonnance Magnétique – IRM – au Département de Chimie Organique de l’Institut Weizmann des Sciences. La  couleur magnifique de cette roche a d’abord attiré son attention mais il a aussi remarqué qu’elle contenait l’élément fluor, élément connu depuis des années comme traceur possible pour l’IRM – un élément qui serait théoriquement capable de mettre en évidence plus de molécules que l’IRM conventionnelle. Malgré le potentiel pour l’IRM des matériaux contenant du fluor, l’idée d’utiliser du fluorure de calcium n’était pas prometteuse a priori : sa structure cristalline solide aurait dû empêcher sa visualisation en IRM qui capte les signaux de tissus mous, de fluides ou de petites molécules solubles.

En effet, l’IRM médicale permet d’obtenir essentiellement des images des molécules d’eau dans notre corps. Plus particulièrement, elle crée des images des atomes d’hydrogène de l’eau car leur spin nucléaire s’aligne avec le champ magnétique intense de l’équipement. Les atomes de fluorure renvoient un signal nucléaire magnétique très semblable à celui des atomes d’hydrogène de l’eau mais avec une fréquence différente, ce qui signifie que si un traceur contenant cet élément était développé, il pourrait être utilisé avec les méthodes et les équipements existants. Contrairement à l’eau, le fluorure n’est pas naturellement présent dans les tissus mous du corps, ainsi, injecter un traceur sans danger à base de fluorure dans l’organe ou le tissu pourrait fournir une image de meilleure qualité sans le bruit de fond lié à l’eau. Mais pour créer un signal dans un scanner IRM, le matériau du traceur doit être conçu pour être labile (fluide ou soluble). D’après le Docteur Bar-Shir, d’une certaine façon il doit « basculer librement dans la solution », sans avoir la mobilité restreinte d’un solide normal.

De spectaculaires nanocristaux


L’IRM utilisant un traceur de fluorure de calcium montre une inflammation invisible en imagerie classique

Le Docteur Bar-Shin : « J’ai eu cette idée folle que des nanocristaux de fluorure de calcium pourraient en quelque sorte être assez petits pour s’agiter très rapidement dans le corps et ainsi avoir la mobilité nécessaire pour produire leur propre et unique signal IRM. »

Le Docteur Bar-Shir a commencé par reléguer son idée au second plan alors  qu’il étudiait d’autres pistes, plus prometteuses, de la recherche IRM. L’entrée du Docteur Idan Ashur dans son laboratoire pour rejoindre son équipe le fit changer d’avis. « Le Docteur Ashur n’avait jamais travaillé sur l’IRM ou l’imagerie biologique, » dit le Docteur Bar-Shir. « Mais il avait beaucoup d’expérience dans un domaine particulier, très pertinent dans notre démarche scientifique : créer des nanoparticules. Nous sommes tombés d’accord pour qu’il essaie de mettre en œuvre mon idée impossible : faire de l’imagerie à résonance magnétique avec des nanocristaux de fluorure de calcium. Si cela n’avait pas fonctionné, il aurait été libre de changer de laboratoire. »

Mais le Docteur Ashur, en tant que stagiaire senior dans le laboratoire du Docteur Bar-Shir, a réussi à produire de minuscules nanocristaux de fluorure de calcium et les résultats ont été étonnants : les nanocristaux placés en solution dans un tube à essais renvoyaient de forts signaux IRM. Les petits cristaux, larges d’à peine quatre ou cinq nanomètres, étaient apparemment assez petits pour s’agiter dans la solution et créer un signal.

Repérer les inflammations avec des nanocristaux


Schéma illustrant une nanoparticule de fluorure de calcium recouverte de PEG (à gauche) et une image en microscopie électronique à haute résolution d’une seule particule (à droite)

Ensuite, accompagnés du Docteur Hyla Allouche-Arnon en postdoctorat, les chercheurs ont décidé d’adapter les nanocristaux pour l’imagerie biologique. Ils ont choisi une technologie utilisée dans l’industrie pharmaceutique pour allonger la durée de circulation de petites molécules de médicaments ou de nanoparticules injectables. Appelée PEGylation, cette méthode implique de recouvrir les nanoparticules d’une substance biocompatible appelée polyéthylène glycol qui améliore leur stabilité en milieu biologique.

La création de nanocristaux recouverts de PEG s’est avéré être un processus complexe mais payant. Après avoir injecté les nouveaux nanocristaux dans des souris, les scientifiques ont pu obtenir des images claires des processus d’inflammation étendue dans les ganglions lymphatiques. Une analyse plus poussée a montré que les nanocristaux étaient ramassés par des cellules appelés macrophages – « l’équipe de nettoyage » du corps – et évacués des ganglions lymphatiques. Lorsque un grand nombre de macrophages circulaient dans le sang, à cause de l’inflammation, les ganglions lymphatiques étaient fortement illuminés sur les images IRM.

Dans les expériences suivantes, l’équipe de recherche a montré  que d’autres composants à base de fluor pouvaient aussi être utilisé sous la forme de nanocristaux, éventuellement combinés avec d’autres particules. Ils ont créé des nanocristaux de fluorure de strontium et ont découvert que son signal IRM état différent de celui  du fluorure de calcium. L’équipe a réussi à afficher des images multicolores en utilisant deux types de nanocristaux, suggérant que, plus tard, la technique pourrait être utilisée pour surveiller différentes cibles simultanément.

Les résultats de ces expériences ont été récemment publiés dans Angewandte Chemie.

 


(de gauche à droite) les Docteurs Idan Ashur, Hyla Allouche-Arnon et Amnon Bar-Shir. L’idée est venue d’une image dans un livre

Une idée impossible avec de multiples applications potentielles

Les marqueurs conçus spécialement pour montrer les premiers stades de l’inflammation pourraient être la base d’un nouvel outil de diagnostic puissant pour de nombreuses pathologies comme la naissance et la progression de la maladie d’Alzheimer, Parkinson, différentes scléroses et cancers. Et des molécules additionnelles – des anticorps attaquant un type spécifique de cellules par exemple – pourraient en théorie être attachées aux nanocristaux recouverts de PEG, étendant encore les capacités de l’IRM. Les nanocristaux pourraient aussi ouvrir de nouvelles pistes d’imagerie en science des matériaux puisqu’ils ont à la fois les propriétés de cristaux solides et de petites molécules fluides.

« À ma connaissance, c’est la première fois que des signaux de résonance magnétique ont été obtenus grâce à des éléments dans des nanocristaux, » dit le Docteur Bar-Shir. « Nous avons commencé avec une idée impossible et nous avons fait tout notre possible pour démontrer son efficacité dans les tissus vivants. »

Yeda Research and Development (en français, Yeda Recherche et Développement), la partie transfert technologique de l’Institut Weizmann des Sciences, travaille avec le laboratoire du Docteur Bar-Shir pour développer des versions avancées de traceurs en fluorure de calcium pour une utilisation commerciale.

Les recherches du Docteur Amnon Bar-Shir sont financées par le Centre Intégré contre le Cancer Moross ; le Centre pour la Conception Moléculaire Helen et Martin Kimmel ; l’Institut Ilse Katz pour la Recherche sur la Résonance Magnétique et la Sciences des Matériaux ; et le Fond Commémoratif Lord Sieff de Brimpton. Le Docteur Bar-Shir est titulaire de la Chaire pour le Développement de Carrière Helen et Milton A. Kimmelman.



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