Vers un traitement « ultra-personnalisé » du mélanome

Une nouvelle approche pour l’identification de marqueurs sur les cellules cancéreuses pourrait aider les cellules immunitaires à éliminer la maladie.

Avec les nouveaux traitements d’immunothérapie contre le mélanome, les taux de guérison ont augmenté de façon spectaculaire, atteignant dans certains cas environ 50 %. Mais ils pourraient être bien plus élevés : Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Institut Weizmann des Sciences a montré, par des  tests en laboratoire et des études réalisées sur des animaux, qu’une approche fortement personnalisée pourrait aider les cellules immunitaires à améliorer leur capacité à reconnaître le cancer et à le tuer. Les résultats de cette étude ont été publiés aujourd’hui dans Cancer Discovery. 

Les immunothérapies actuelles impliquent d’administrer des anticorps pour débloquer les lymphocytes T du système immunitaire naturel qui reconnaissent et tuent les cellules cancéreuses, ou bien de cultiver et réactiver ces lymphocytes T à l’extérieur du corps et de les réinjecter sous une forme « guerrière ». « Mais rien de tout cela ne tuera le cancer si les cellules immunitaires ne reconnaissent pas les marqueurs qui indiquent que les cellules cancéreuses sont étrangères », dit la Pr. Yardena Samuels du Département de biologie moléculaire de la cellule de l’Institut.  

Partout dans le monde, des groupes sont à la recherche de tels marqueurs (des peptides mutés connus sous le nom de néo-antigènes) sur les membranes externes des cellules cancéreuses. L’identification des peptides spécifiques qui se présentent aux lymphocytes T peut ensuite aider à mettre au point des vaccins anticancéreux personnalisés à partir de profils néo-antigéniques. Toutefois, un des problèmes que pose la découverte de néo-antigènes dans des cancers comme le mélanome, est qu’ils sont présentés par un complexe protéique appelé HLA – un complexe qui peut se présenter sous des milliers de versions, avant même d’ajouter les mutations cancéreuses. En effet, les algorithmes souvent utilisés pour rechercher d’éventuels néo-antigènes dans le génome des cellules cancéreuses avaient prédit des centaines de candidats possibles. 

Samuels et sa doctorante Shelly Kalaora, en collaboration avec le Pr. Arie Admon du Technion – Institut Technologique d’Israël, ont contourné les méthodes algorithmiques. Elles ont utilisé une méthode mise au point par Admon pour extraire les peptides du complexe HLA des cellules du mélanome et étudier leurs interactions avec les cellules T. Samuels explique : « Nous avons découvert que les tumeurs présentent beaucoup moins de néo-antigènes que prévu. Nos stratégies d’identification des néo-antigènes et des lymphocytes T correspondants étaient si robustes que nos lymphocytes T ciblant les néo-antigènes spécifiques ont tué 90 % des cellules de leurs mélanomes cibles, tant en éprouvette que chez la souris. Cela permet d’envisager des applications cliniques dans un proche avenir. Certains des peptides que nous avons identifiés sont des néo-antigènes qui n’étaient même pas apparus dans les études algorithmiques ; en d’autres termes, la méthode que nous avons utilisée, appelée HLA peptidomics, est vraiment complémentaire à ces méthodes.

Samuels et Kalaora ont travaillé avec une équipe qui comprenait le Dr Eytan Ruppin du National Cancer Institute des États-Unis, la Dr Jennifer Wargo du MD Anderson Cancer Center de l’Université du Texas à Houston et le Pr. Nir Friedman du Département de Biologie Moléculaire de la Cellule de l’Institut Weizmann des Sciences. 

Le groupe avait obtenu plusieurs échantillons pour certains patients, ce qui leur a permis de s’intéresser aux métastases – par exemple, à la question de savoir si les mêmes néo-antigènes étaient présents sur les tumeurs secondaires après propagation du cancer à d’autres organes. « C’est la première fois qu’ont été réalisées des études sur les peptides HLA de métastases multiples dérivées d’un même patient. L’importante similitude entre les différents peptides de HLA a de fortes implications dans le processus de choix des néo-antigènes pour le traitement du patient, d’où il découle qu’il est clairement essentiel non seulement d’identifier les peptides immunogènes présentés sur les cellules cancéreuses, mais aussi de sélectionner ceux qui sont communs aux métastases du patient. Cela peut ensuite aider à orienter les réponses thérapeutiques systémiques chez les patients atteints de métastases multiples », explique Kalaora.  

Le groupe est ensuite allé encore plus loin : s’intéressant aux cellules T naturelles extraites de 14 des patients, les chercheurs ont identifié celles qui réagissaient le plus fortement avec les néo-antigènes. Ils ont séquencé les génomes de ces cellules, les ont cultivées et les ont testées sur des modèles animaux avec les cellules tumorales des patients. Dans des expériences en éprouvettes de laboratoire ainsi que chez la souris, ils ont montré que la réponse des lymphocytes T qu’ils avaient identifiés était très efficace dans la lutte contre le cancer.  

Samuels souligne que « bien que cette recherche soit pour l’instant expérimentale, ses résultats sont très pertinents pour la recherche clinique, la preuve en étant que des groupes du monde entier ont déjà élaboré les bases du développement de thérapies anticancéreuses basées sur les néo-antigènes. Étant donné que presque tous les néo-antigènes détectés jusqu’à présent chez les patients sont individuels et spécifiques à un tissu cancéreux particulier, ils constituent une classe idéale de cibles anti-cancer. Ce serait le summum du traitement « personnalisé » contre le cancer : un nouveau médicament créé pour chaque patient. »

Ont également participé à cette recherche Yochai Wolf, Dr Itay Tirosh, Nouar Qutob, Polina Greenberg et Ronen Levy du Département de biologie moléculaire de la cellule, le Pr. Guy Shakhar, Tali Feferman, Erez Greenstein et Dan Reshef du Département d’immunologie, ainsi qu’Ofra Golani du Département des infrastructures centrales pour les sciences de la vie, tous de l’Institut Weizmann des Sciences, Eilon Barnea du Technion – Israel Institute of Technology, Alexandre Reuben, Jianhua Zhang, Xizeng Mao, Xingzhi Song, Chantale Bernatchez, Cara Haymaker, Marie-Andrée Forget, Caitlin Creasy, Brett Carter et Zachary Cooper du MD Anderson Cancer Center de l’Université du Texas, Sushant Patkar du National Cancer Institute (États-Unis), Juliane Quinkhardt et Tana Omokoko de BioNTech Cell & Gene Therapies (Allemagne), le Pr. Steven Rosenberg du National Cancer Institute (États-Unis), Michal Lotem de l’Hadassah Medical School (Jérusalem, Israel), ainsi qu’Ugur Sahin de l’Universitätsmedizin de la Johannes Gutenberg-Universität (Mayence, Allemagne).

La Pr. Yardena Samuels dirige le EKARD Institute for Cancer Diagnosis Research. La recherche de la Pr. Samuels bénéficie du soutien du laboratoire au nom du M.E.H Fund créé par Margot et Ernst Hamburger, de la Weizmann-Brazil Tumor Bank, du Conseil européen de la recherche, du Wagner-Braunsberg Family Melanoma Research Fund, du Comisaroff Family Trust, de la Rising Tide Foundation, ainsi que de Paul et Toni Green. La Pr. Samuels est titulaire de la Chaire professorale au nom de la famille Knell.



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